Lors d’une des visios préparatoires à l’AAC 2023 nous avons été plusieurs à insister sur le fait que l’addition de dispositifs techniques (mesures, data, etc) ne répondait pas au problème systémique d’accélérer le changement de vision, de vocabulaire qui permettrait de faire basculer les personnes dans un « nouveau monde ». D’où l’importance de qualifier comme défi des actions culturelles, prospectives, expérimentales, voire artistiques, qui cassent le bocal, au lieu de continuer à raffiner à l’ancienne.
Nous ouvrons donc ce thread afin de voir si cela intéresse les acteurs qui passent par ici.
Je reprends notre échange par mail avec @arianerozo et Marie-Anne Bernasconi (point de vue très libre du CC Lab) :
Oui a mon avis l’approche par catégorification de défis techniques verticaux (type ilôts de chaleurs) est insuffisante pour prendre en compte ce qu’on peut appeler « fabrique de l’acceptabilité », « pivot des imaginaires », voire « sobriété souhaitable », « horizons désirables », etc.
Et même dans ce domaine on est rattrapé par les approches techniques pures (nudge sludges et ingenierie connexe).
Il y a plusieurs nouvelles frontières et approches à intégrer, comme dans le monde du numérique :
les valeurs et la refonte du vocabulaire (croissance, regénération, substitution, redirection, écologie, surcyclage…)
le rapport anthropocène/ symbiocène (hélas la quasi-totalité des projets restent dans une approche de confiance démesurée dans la première par rapport à la deuxième)
le récit et la culture comme véhicule des changements/évolutions de valeurs
La gouvernance et la démocratie (ce que fait l’appel à communs)
Les approches « objectives quantifiées » ont pas mal de limites, et donnent du confort aux approches classiques :
A titre d’exemple, quand on quantifie le coût énergétique d’un clic en numérique responsable, on se fiche de savoir si ce clic lance la fabrication de 100 mégatonnes de porte-clés fluos made in china dans le cadre d’une action marketing, ou s’il pose une annonce sur le bon coin… C’est bien confortable, surtout si j’ai les moyens de payer un supplément qui verdit le poids de mes clics (en replantant des arbres par exemple) et un ordi super basse consommation pour gérer mon marketing
Des sujets logiquement tabous autour du travail et de l’activité humaine
Au niveau des approches qui sont de mon point de vue esquivées, il y a par exemple ce problème de la qualification et récompense du travail. On pourrait demander au top 1000 de linkedin de comparer le bilan carbone généré par un(e) cadre performant(e) en augmentant une activité humaine (transport, achat, activité, action sur les atomes extraits de la nature, bref, performance) à celui d’une personne demandeur d’emploi qui n’entretient ni n’accélère cette activité. Le bilan de A est juste énorme vis à vis de celui de B en terme de coût énergétique, écologique, etc.
Les jeunes ne sont pas des imbéciles ! Il semble donc qu’il y aie une crise des vocations à transformer en vivier de talents…
Des défis cosmopoliques et donc nécessité de valeurs socles assez universelles pour reconnecter les initiatives locales
Les limites planétaires sont pour tout le monde. Pas seulement les gaz à effets de serre… Les personnes vivent dans des territoires, mais sont reliées. Donc incarner ce glocal nécessite de ne pas s’enfermer et d’apprendre à coopérer pour prévenir les affrontements autour de ressources rares. Nous pensons que l’intérêt des ODD est de pouvoir dépasser les frontières en intégrant toutes sortes d’initiatives dans un corpus de valeurs assez inclusives et universelles, au delà de la verticalité technique. Et qu’il faut entrainer les gens à partager des communs numériques à l’international tout en les incarnant localement.
Notre association, qui va terminer la preuve de concept de son projet début 2023, a trois angles d’attaques pour « Faire apprendre partager face aux effets du changement climatique ».
- Faire levier sur les imaginaires, par l’organisation et l’animation de rencontres comme les sessions lowtech du forum des usages de Brest. On y parle de ces enjeux de culture vecteur de valeurs et qui peut être porteuse de récits, de souhaitables, de dynamiques positives. On essaie d’encourager les acteurs culturels à porter des messages et pas seulement faire des gobelets consignés, même si c’est bien !
- Transférer les pratiques de fabrication distribuée d’objets libres du monde des makers et fablabs vers le reste de la société dans les territoires pour relocaliser atomes et neurones sur la base de coopération autour de communs (#forgecc)
- Le prototypage créatif pour librement explorer des formes nouvelles servant notre objet. A titre d’exemple, pour interpeler sur la vie non-humaine, nous avons développé un capteur transformant l’activité biologique des plantes en notes de musique qui permet de rassembler des gens autrement autour des plantes, parler de leur cycles de vie, et interagir avec elles. Oui nous sommes vivants parmi les vivants et pas seulement consommateurs.
Nous sommes donc super partants pour échanger !