Bonjour,
nous avons souhaité faire un retour à l’ADEME suite à l’appel à communs.
Le but est multiple, mais avant tout basé sur l’amélioration continue (Roue de Deming pour les intimes). Les communs étant basés sur la gouvernance, l’ouverture et la collaboration, voici nos retours.
Si le cœur vous en dit et que vous souhaitez participer et faire un retour constructif, vous pouvez compléter.
Pour notre retour, nous nous baserons sur la définition suivante des communs, reprise sur le site lui-même :
« Un commun désigne une ressource produite et/ou entretenue collectivement par une communauté d’acteurs hétérogènes, et gouvernée démocratiquement selon des règles qui lui assurent son caractère collectif et partagé.
Cette ressource partagée peut être immatérielle ou matérielle comme du software, du hardware, des designs, des datas, des méthodes, des guides, de l’argent, des espaces publics, des semences, du code génétique…
Une fois une ressource partagée en Commun par une licence ouverte, elle peut interagir et mûrir avec d’autres communautés et s’enrichir en valeur et se diffuser. »
Désolé si c’est un peu long, nous préférons argumenter. N’hésitez pas à nous dire si des éléments sont peu clairs et à compléter. Merci.
Thème du projet
Le thème « Appel à Communs Sobriété & Résilience des Territoires » permet deux choses qui sont (très) rares dans les appels à projets et qui nous semblent prépondérantes à mettre en avant.
- L’ouverture des productions faites avec l’argent public sur le principe « Argent public, production publique ». Cette demande est mise en avant pour le code sur https://publiccode.eu/fr/ et peut à l’instar se propager à toutes les formes de productions. Cela est déjà utilisé pour HAL, Open LCA et de nombreux projets de sciences collaboratives…
- La transversalité est possible. Souvent dans les appels à projets, la thématique est restreinte (eau, énergie, pratique participative…) et permet difficilement le portage de projets plus transversaux. Cependant l’environnement et ses cycles sont par nature des interactions entre des domaines dont les limites sont avant tout une construction humaine (bien que fort utile pour des approches analytiques). L’expression du « global au particulier » nous rappelle que la compréhension des sous-éléments d’un tout sont là pour une meilleure intelligibilité globale. On retrouve cela de plus en plus dans les sciences qui accueillent la diversité comme les sciences environnementales qui regroupent de très nombreuses typologies de sciences ou au sein du GIEC par exemple.
Outils
Les outils mis à disposition (wiki, forum, rendez-vous à distance, mail…) sont des outils assez classiques qui ont démontré leurs efficacités.
Il n’y a pas eu de moment où nous ayons eu des besoins non satisfaits ou des questionnements sur les outils ou leurs utilisations.
Pour les moins habitués, une aide est disponible sur le wiki et le forum. Pour les plus aguerris, il y a une page d’actions d’amélioration des outils.
Étant familier aux outils collaboratifs, nous ne sommes peut-être pas les plus pertinents sur ce retour.
Mise en œuvre
Constats
L’appel à communs promeut les communs et donc la collaboration.
Cependant, nous avons vu deux comportements qui ne nous semblent pas aller dans ce sens.
- Le fait de poster son projet au dernier moment. Ceci ne permet pas d’entrer en contact au préalable et de créer des synergies.
- Ne pas rechercher les synergies. Nous sommes personnellement entrés en contact avec plusieurs projets (4 en tout) dans l’espoir de synergies et nous n’avons jamais eu de réponse…
Hypothèses
Nous spéculons que les raisons sont les suivantes.
- Poster au dernier moment est une pratique de conservation du secret, lié aux habitudes propriétaires. Cela peut être une peur de se faire voler des informations, de divulguer des idées… Pourtant, le partage des informations et des idées est au cœur des communs. La conservation de l’idée peut aussi être pour s’assurer plus de chance d’obtention de la subvention en ayant une idée plus originale.
- Nous pensons que le deuxième constat a des raisons similaires avec le premier.
Ainsi, les projets jouant le jeu au maximum, partageant le plus et postant au préalable ne sont pas avantagés (voire le contraire). Les projets qui ne jouent pas le jeu ne sont pas désavantagés.
Le financement est effectivement une finalité, qui a un poids très conséquent pour certaines structures. Il est entendable que des organisations n’étant pas habituées à produire des communs fassent cela et reproduisent un modèle propriétaire.
Comment permettre le partage et aider aux interactions ?
Proposition méthodologique
La clôture du dépôt d’un projet pourrait se faire en amont de la clôture finale. Ainsi, on pourrait avoir un temps de convergence de projet, d’entraide et d’un deuxième dépôt pour les projets ayant une synergie ou s’inspirant d’autres idées aperçues çà et là.
On pourrait aussi sur ce temps valoriser / inciter l’entraide sur des projets tiers (ressources, idées…) même si on n’y participe pas. C’est aussi ça l’essence des communs, aider des projets avec lesquels nous sommes en accord.
Sur un autre aspect, dans le rapport d’expertise final (réponse négative en ce qui nous concerne), nous avons dans les commentaires des questionnements et des spéculations de la part du retour des experts. Ceux-ci se basent sur des éléments qui n’étaient pas présents dans la demande, ni lors des retours suite au dépôt de la première sélection, ainsi, nous n’avons donc pas développé ces aspects.
Dans d’autres appels à projet auxquels nous avons participé, des questionnements ou doutes (ce qui est bien légitime) amènent à échanger avec les porteurs de projets. Nous n’avons pas eu cette occasion, bien que nous ayons eu de la matière à répondre. Nous pensons que sur une logique de gouvernance démocratique, ce genre d’échange serait un apport intéressant.
À vrai dire (à cœur ouvert), nous avons eu l’impression que notre statut (petite association locale), nous a desservis pour un projet d’envergure. Nous avons pourtant mis en avant de nombreux professionnels partenaires et le salarié est lui-même professionnel de l’environnement, nous sommes tout à fait en mesure de porter ce type de projet, ce qui semble être la principale interrogation dans le retour. Sans doute le représentera-t-on en 2024 en ayant des productions à mettre en avant dans ce sens. La page d’introduction des communs « Pourquoi répondre à un appel à communs? », ne parle d’ailleurs que d’entreprises. Ce terme pourrait être remplacé par « organisations » par exemple, cela serait plus englobant, sauf si la volonté est de n’avoir que des entreprises et des organismes de tailles conséquentes, mais autant le mettre dans les critères d’éligibilité dans ce cas.
Contenu
Les communs ont une histoire intrinsèquement liée à la licence et la gouvernance démocratique.
Si nous reprenons la définition donnée :
Un commun désigne une ressource produite et/ou entretenue collectivement par une communauté d’acteurs hétérogènes, et gouvernée démocratiquement selon des règles qui lui assurent son caractère collectif et partagé.
Le site https://lescommuns.org/ précise :
Les biens communs, ou tout simplement communs, sont des ressources, gérées collectivement par une communauté, celle-ci établit des règles et une gouvernance dans le but de préserver et pérenniser cette ressource.
Licences
Certains projets, dont certains retenus, ne précisent pas la licence. Cela est pourtant capital pour la vie du commun et pour permettre la pérennisation de la ressource.
Parfois la mention est vague, une simple précision « Creative Commons » pour la licence n’apporte pas grand-chose. En effet, « Creative Commons » est une association à but non lucratif et seulement certaines des licences qu’elle propose peuvent être proches d’emplois les plus libres ou ouverts (CC0, CC BY, CC BY SA) et permettent une réelle appropriation et réappropriation.
D’ailleurs, sur de nombreux communs produits (comme Wikimédia, Etalab, les projets open data en règle générale), toute autre licence « Creative Commons » que celles précitées (hormis le cas du domaine public) est refusée.
Une licence ND n’acceptant pas de modifier l’œuvre empêche de fait la réappropriation et donc la vie du commun.
Une licence NC n’acceptant pas l’usage commercial ne semble pas en accord avec le public bénéficiaire visé de l’appel à projet (entre autres, entreprises, collectivités, bureaux d’études…) en tout cas cela complique fortement la réappropriation d’usage.
Un logo « Creative Commons » en bas d’un site doit aussi être accompagné de démarche pratique concrète pour se mettre en accord avec les valeurs prônées.
Sources
Certains projets utilisent ces licences très ouvertes et permettent le téléchargement de documents et de supports produits.
Pourtant, le téléchargement se fait en pdf, hors la licence indique le droit à la modification (CC0, CC BY, CC BY SA et domaine public). Les documents au téléchargement devraient ainsi être les versions source modifiables pour respecter la licence utilisée. Une documentation en accompagnement, un forum d’entraide ou une FAQ d’usages en cas de besoin, c’est toujours plus appréciable.
Dans le logiciel libre, cela permet le « fork » création d’un projet à partir d’un autre logiciel ou l’utilisation de « briques », composantes d’un projet pour un autre. Il en est de même pour un commun ouvert. Il doit permettre la réutilisation des photos, dessin, design, ressources diverses…
Si ces notions sont plutôt bien maitrisées par les projets informatiques (utilisant GNU GPL, CeCILL…) indiquant les sources, cela n’est pas forcément le cas d’autres projets.
Demande de collaboration
L’aspect ouvert du commun ne concerne pas que le code, mais aussi la gouvernance.
De nombreux projets sont collaboratifs en termes de données. Si les utilisateurs peuvent, dans ces conditions, travailler gratuitement en collaborant, ils ne sont pas du tout décideurs…
Les communs sont tenus par des communautés. Permettre une gestion décisionnaire unique par le porteur et son cercle restreint n’en fait pas un commun, mais un projet à sources collaboratives dans le meilleur des cas.
Pérennisation
La pérennisation d’un projet implique de penser à sa fin. Si un site n’existe plus, si un projet s’arrête, que reste-t-il ?
L’utilisation de support externe (Git, Wikimedia, site d’open data) est alors à encourager.
La documentation, l’intégration au projet le sont également pour renouveler les forces vives.
Évidemment, le téléchargement de code, de données, de productions en version finalisées, mais aussi les sources est essentiel. Non seulement pour pérenniser le projet, mais encourager la réutilisation, les traductions, le fork, l’utilisation de briques, la mutualisation de données et de moyens… Bref, cela aide à générer des communs et à renforcer les communs existants.
Merci pour votre approche qui nous semble aller dans le bon sens en termes de thématiques et d’ouverture vers les communs.